samedi 18 juin 2011

Quelques réflexions sur la loi du 14 avril 2011


La loi du 14 avril 2011 relative à la réforme sur la garde à vue n'a pas encore été soumise au Conseil Constitutionnel. De nombreuses questions préjudicielles de constitutionnalité sont d'ores et déjà en cours d'étude. 

La loi évoquée ci-dessus n'est pas forcément des plus claires, et ce sur plusieurs points. Nous en évoquerons deux ici, à titre d'exemple.

Nous savons qu'en matière criminelle et correctionnelle, aucune condamnation ne peut être prononcée contre une personne, sur les seuls fondements de ce qu'elle a dit, sans avoir pu s'entretenir avec un avocat.  Dans ce cas, sa déclaration pourra être écartée pour défaut de force probante. 
Une première interrogation surgit ici : qu'en est-il des auditions libres ? De telles auditions sont en effet effectuées de manière "naturelle", sans contrainte aucune et sans avocat. Aux termes de l'article préliminaire du Code de procédure pénale, celles-ci risqueront d'être annulées pour défaut de force probante. La parade serait d'introduire un avocat, et donc de basculer dans la procédure de garde à vue, mais il faut pour cela pouvoir invoquer l'un des six objectifs posés par la loi. De plus, il y a là un aspect fort paradoxal puisque la tendance serait plutôt à réduire le nombre de gardes à vue, or, pour pouvoir se prévaloir d'une audition libre et sans contrainte, il faudrait justement introduire une garde à vue (et de ce fait la présence d'un avocat), ce qui pourtant se révèle a priori non nécessaire ! 

Une autre question peut se poser concernant les délais de carence posés par la loi. 
Un délai de carence de deux heures est obligatoire, à compter du moment où l'avocat a été avisé (pour lui donner par exemple le temps de se rendre là où a lieu la garde à vue). L'audition ne pourra pas commencer avant que l'avocat ne soit arrivé. Ce droit ne vaut que pour la première audition
Mais que se passe-t-il, si en cas de conflit avec l'avocat pendant l'interrogatoire, un autre avocat est désigné ? Faut-il à nouveau appliquer le délai de carence de deux heures ? On peut dans un premier temps penser que tel n'est pas le cas, puisque la loi fait mention du "premier entretien" et que celui-ci a donc déjà eu lieu avec le premier avocat. Mais on pourrait également soutenir qu'il s'agit d'un "premier entretien" mais avec le deuxième avocat ! Dans ce cas, la condition semble également être respectée. Cela fera certainement l'objet d'une question préjudicielle de constitutionnalité prochainement.

vendredi 17 juin 2011

La réforme de la garde à vue


La loi du 14 avril 2011 met en place la réforme de la garde à vue en droit français. 
Les changements majeurs portent sans aucun doute sur le rôle de l'avocat tout au long de la garde à vue, ou encore sur des conditions différentes, notamment en ce qui concerne l'ouverture d'une telle mesure. 

Statistiquement, la garde à vue n'a cessé de prendre de l'importance. En 2009, le chiffre est d'environ 580 000, sans les délits routiers. Aujourd'hui, le chiffre avoisine les 800 000 ! 
C'est fin 2008 que le droit français de la garde à vue a été fragilisé, suite à la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l'Homme. Elle est en effet venue poser les grands principes dont peut se prévaloir toute personne placée en garde à vue, et il s'est avéré que le droit français ne les respectait pas tous. La Cour de cassation a également joué un rôle en déclarant notamment certaines dispositions contraires à l'article 6 de la Convention européenne des Droits de l'Homme. 

Quels sont les éléments principaux de la loi du 14 avril 2011 ? 

     1. Les règles encadrant le placement en garde à vue : trois conditions sont requises pour pouvoir placer une personne en garde à vue : il faut des indices de la commission d'une infraction, présentant une certaine gravité, et la caractérisation d'un objectif précis


Les deux dernières conditions sont en quelque sorte des nouveautés, même si concrètement dans les faits, leur application ne change pas vraiment la donne. Le fait que l'infraction doive présenter une certaine gravité et être passible d'une peine privative de liberté existait déjà avant la loi de 2011. Il s'agit en fait d'une aplication des principes de nécessité et de proportionnalité. Pour ce qui est de la caractérisation d'objectifs précis, que la loi énonce au nombre de six, là encore, il ne s'agit en fait que d'une reprise de tous les cas qui existaient déjà auparavant. 

On constate ici une suppression de toute référence générale. Cela signifie que la garde à vue est sensée avoir un caractère exceptionnel et subsidiaire. 

     2. Les mesures encadrant la durée de la garde à vue : les dipsositions légales concernant cette question ont a priori peu évolué et l'on retrouve toujours le fameux délai de 24 heures. Cependant, il faut noter que la loi opère une distinction entre les infractions punies de moins d'un an d'emprisonnement et pour lesquelles la prolongation n'est pas possible et la garde à vue durera donc 24 heures maximum, et les infractions punies d'une peine de plus d'un an et pour lesquelles une prolongation est possible si elle constitue l'unique moyen de parvenir à l'un des objectifs énoncés par la loi nouvelle

Une "exception" persiste en matière de criminalité organisée, dans le cadre de laquelle deux prolongations sont possibles. 

     3. Les droits du gardé à vue : toute personne dispose du droit de se taire, du droit de ne pas s'incriminer personnellement. On remarque une évolution mouvementée de ce droit en France, qui avait même fait l'objet d'une suppression par la loi du 18 mars 2003. Il est désormais à nouveau consacré à l'article 63-1 3° du Code de procédure pénale. 

Le droit à l'assistance d'un avocat : avant la loi du 14 avril 2011, l'intervention de l'avocat consistait en un entretien de 30 minutes, avant l'interrogatoire, et sans la présence des enquêteurs. Ce droit a été nettement renforcé. Dès le début de la garde à vue, toute personne peut demander à être assistée d'un avocat, qu'elle a pu choisir librement ou commis d'office. Cet avocat sera informé par l'OPJ des faits et de la nature de l'enquête. Il pourra également consulter certaines pièces du dossier, tels les procès-verbaux de l'audition de son client (mais pas ceux des tiers), ou les certificats médicaux, etc. Il pourra également prendre des notes desdites pièces, mais ne sera pas autorisé à en faire des copies. Il pourra aussi poser des questions pendant l'interrogatoire, sans pour autant nuire au bon déroulement de l'enquête. Ce droit n'est pas toujours absolu, et le Procureur pourra, lorsque l'enquête le requiert, autoriser l'audition immédiate de la personne, sans la présence de son avocat. 
Il y a ici une véritable évolution du rôle de l'avocat, qui devient un acteur important de la procédure. 

Le gardé à vue peut également exiger de faire prévenir par téléphone une personne de son choix, telle son conjoint, ses parents, son tuteur/curateur, ... S'il s'agit d'une personne étrangère, elle peut prévenir les autorités consulaires de son pays. 

Le droit à la dignité est également consacré dans la loi : la garde à vue doit s'exécuter dans le respect de la dignité de la personne. Par exemple, concernant les objets (soutien-gorge, lacets, lunettes, ...) que l'on aura pu retirer à la personne, ceux-ci doivent lui être rendus lorsqu'elle est en présence de policiers. Certaines mesures de sécurité, justifiées pour la sécurité du prévenu ou des tiers, sont tout à fait autorisées. 


jeudi 16 juin 2011

Les droits de reprise du bailleur


En matière de bail commercial, le locataire peut en principe bénéficier du droit au renouvellement, à l'expiration de son bail. Le renouvellement pourra être demandé par le bailleur, ou par le preneur. Dans ce deuxième cas, le bailleur est en droit de refuser le renouvellement du bail, mais s'engage alors en principe à verser une indemnité d'éviction au locataire sortant

Le versement de ladite indemnité pourra toutefois être évité dans plusieurs cas : 

  • selon l'article L 145-17 du Code de commerce, le bailleur peut refuser le renouvellement et ne pas payer d'indemnité d'éviction lorsqu'il peut invoquer à l'encontre de son locataire l'existence de motifs graves et légitimes. Ces motifs vont concerner le comportement du locataire et justifier le refus de renouvellement. Il peut s'agir d'une faute dans l'exécution du bail, de la cessation de l'exploitation du fonds pendant une longue période, ou encore d'une faute extra-contractuelle. Par contre, il faut bien préciser que le bailleur ne pourra refuser de verser une indemnité d'éviction au cessionnaire du bail, en invoquant un motif grave et légitime imputable au locataire cédant. Une précision est également fondamentale : en cas de problème lié à l'exécution du bail, le bailleur est tout d'abord tenu de mettre le preneur en demeure de régulariser la situation litigieuse. Elle doit, à peine de nullité, être effectuée par acte extra-judiciaire. Si l'inexécution subsiste plus d'un mois après cette mise en demeure, alors seulement le bailleur est fondé à refuser le renouvellement et ne sera pas tenu au paiement de l'indemnité d'éviction. 
  • le bailleur peut également refuser le renouvellement lorsque la démolition de l'immeuble est nécessaire, car il est insalubre et dangereux. Une indemnité d'éviction ne pourra être revendiquée par le preneur, à moins que la dégradation de l'immeuble soit imputable au propriétaire. De plus, en cas de reconstruction d'un immeuble sur l'emplacement du premier, l'ancien locataire jouit d'une droit de priorité pour louer commercialement. 
  • le bailleur a également un droit de reprise fondé sur l'habitation. Ce droit joue également au profit des ses ascendants, descendants, et des conjoints de chacune de ces personnes, s'il est établi qu'elles n'ont pas de logement correct à leur disposition.